Quand un jeune homme m’a dit à la fin d’une conférence qu’il ne savait pas que l’informatique existait déjà il y a 30 ans, j’ai été choquée (comme on dit facilement de nos jours). Mais peut-être voulait-il parler du web uniquement ? C’est un des soucis qu’on a avec « la tech », « le dev » ou « l’info », qui sont des termes très génériques (et raccourcis, en prime).
On sait déjà, par exemple, que les utilisateurs confondent, dans le web, les navigateurs et les moteurs de recherche (confusion entretenue par Google ou Microsoft pour forcer les gens à passer par leurs portails et leurs moteurs, on le sait). Tout ça est un gloubi boulga pour l’utilisateur final, et l’informaticien qui en marre que ses proches lui demandent de réparer leurs imprimantes le sait déjà. Déjà qu’il se bat avec la sienne, d’imprimante…
Lors de mes études d’ingénieur généraliste, en 1986/1989, parmi les options de 3ème année, il y avait 2 choix qui concernaient l’info : Informatique Temps Réel, et l’Informatique Générale. C’était déjà une différenciation forte. (Je n’ai choisi ni l’une ni l’autre, j’ai fait l’option Maths Appliquées !). L’informatique embarquée est toujours un domaine spécial, et d’actualité. Que je ne connais pas. Voilà, voilà.
J’avais déjà eu des cours d’info avant ma dernière année, où j’avais fait des TD en langages Pascal, Lisp et Prolog. Les deux derniers étaient orientés intelligence artificielle, un autre domaine très particulier de l’info ! Je n’en ai jamais refait depuis.
Pendant mes stages d’étudiante, j’ai fait du (Turbo) Pascal dans la finance pour programmer des algorithmes un peu complexes. Mais j’ai aussi découvert dBase2, qui allait m’amener à l’essentiel de mon activité professionnelle sur les années suivantes : l’informatique de gestion de données.
Mon stage de fin d’études était consacré, lui, à la parallélisation multi processeurs des requêtes SQL. C’est là que j’ai découvert le SQL, dont je n’avais pas entendu parler auparavant. Je l’ai tout de suite utilisé, ensuite, dans mon travail, et après quelques années où j’ai fait du Clipper (une suite amélioreée de dBase, basée également sur des fichiers .DBF), j’ai utilisé des bases de données relationnelles de type SQL jusqu’à ce jour.
J’ai travaillé pendant 13 ans sur le développement de logiciels d’informatique de gestion (un chouia sur gros système, puis en Clipper, en Easel sous OS/2, en PowerBuilder, puis en Java en mode web). C’est un domaine énorme, qui aujourd’hui ne fait pas tellement parler de lui dans les medias non pros (hormis lors du passage de l’an 2000, ou de celui à l’euro), alors qu’il fait tourner toutes les banques, toutes les grosses entreprises pour les domaines financier, mais aussi logistiques, RH, enfin tous les systèmes opérationnels. Enormément d’informaticiens travaillent dans l’info de gestion, hors web. Ce n’est pas une informatique de « passion » (du moins à ce que j’en voyais parmi mes collègues de DSI !), les systèmes évoluent peu et on a peu de complexité de dev pur. Oui, je me souviens de longues séances de brainstorming sur le calcul de tournées logistiques de livraison. C’était chouette, d’ailleurs. Mais l’essentiel du temps, c’est du Créer/Modifier/Supprimer/ Lister/Editer (au sens Imprimer, le vrai sens de l’édition…). Là dedans, ce qui compte, ce sont les règles de gestion, mais aussi et surtout la stabilité, la sécurité, et l’évolution dans le temps. Les projets durent des années, les programmes durent des décennies. Le SI (Système d’Information) compte des dizaines d’applicatifs qui intéragissent. Les devs sont sur un domaine pour longtemps.
Et puis le web est arrivé, petit à petit. Je m’y suis intéressée d’abord à titre personnel. J’ai bidouillé toute seule dans mon coin. Au bout de 3 ans, j’ai pu y intéresser mon entreprise, mais ce fut laborieux. J’étais estomaquée qu’aussi peu de mes collègues aient envie de s’y mettre. Le web, c’est un peu l’opposé de l’info de gestion, même si on peut s’en servir comme interface de gestion, justement. Mais tout les différencie dans plein d’aspects. Je fais du web depuis 24 ans. Parce que ça bouge davantage, et que le métier est plus varié. Surtout quand on se lance en freelance, comme je l’ai fait il y a 10 ans en quittant le monde de la grosse entreprise.
Mon mari, lui, travaille dans le dev de jeu video. C’est encore un domaine très très différent. On y trouve des métiers spécifiques (d’animation, de game design, de narrateur… ) et le code est surtout fait en C++ (qui se rapproche du Pascal que j’ai fait il y a longtemps). Ils utilisent vraiment des maths, pas comme moi qui n’ai pas utilisé 99% des mes chères mathématiques depuis mes études ! ainsi que de l’intelligence artificielle. Ils n’ont même pas le même vocabulaire que nous.
Entre la mise en production d’un applicatif SI (un processus ITIL), la mise en ligne d’un site web, et le démarrage du dev d’un jeu video, le terme « mise en prod » n’a pas vraiment le même sens et la même réalité.
Vous ajoutez les différences entre salariat et freelance, entre dev en équipe et en solo, entre start up, PME et grosse boite… + l’open source + les ESN et les agences web… C’est un monde bien varié qui est là. Dire qu’on fait du dev, ce n’est qu’un début.